Le burn-out, drame furtif.
J’aimerais partager ces confidences entendues de ces femmes et de ces hommes qui des années après fondent encore en larmes lorsqu’elles ou ils évoquent leur burn-out.
J’aimerais que l’opinion, l’entreprise, les systèmes de prévention et de soin prennent enfin la dimension du burn-out, de sa réalité dans sa vérité crue, pour s’attaquer enfin à ses causes.
J’aimerais que l’on admette une fois pour toutes que les candidats au burn-out, avant d’être jugés faibles et fragiles, ont été solides et reconnus pour leur engagement.
J’aimerais qu’on entende mieux ces histoires ahurissantes de femmes et d’hommes au pic de leur activité, figés dans leur voiture en pleine réunion téléphonique, retrouvés garés sur une bande d’arrêt d’urgence lorsqu’on a dû venir les y chercher : muets et le téléphone encore à l’oreille.
Ou statufiés face à leur miroir, alors qu’ils se préparaient à partir travailler.
Ou hospitalisés en urgence en pleine décompensation, et à qui il faudra venir arracher des mains, sur leur lit d’hôpital, leur smartphone, pour qu’enfin ils cessent de répondre aux mails.
Ou cloués face à leur poste de travail, sans plus avoir la moindre idée de la raison pour laquelle ils se trouvent là, au milieu de cet open space.
Ou paralysés un matin dans leur lit sans plus arriver à ne serait-ce que s’y retourner.
Le burn-out est un drame.
Mais un drame tristement furtif. Invisible et silencieux. Qui continue de passer sous les radars de la prévention.
Parce qu’il fait peur, sans doute, même si l’on ne se l’avoue pas.
La peur d’en être victime, surement. La peur aussi peut-être d’en être complice — malgré nous.
La disparition de la victime de burn-out des radars de l’entreprise, une fois qu’elle a craqué, est au cœur de cette furtivité, de cette invisibilité.
L’arrêt maladie, le secret médical, offrent le voile qui floutera pudiquement les causes de l’absence de ce collègue, de ce subordonné, de ce manager…
C’est à ce moment que l’on commence à projeter sur l’absent des fragilités personnelles grâce auxquelles si nous n’y prêtons pas attention, l’environnement va commodément expliquer son effondrement. Sans qu’à aucun moment l’intéressé ne soit entendu.
Car l’absence de la victime dure. Tellement qu’elle ne réapparaitra probablement jamais : incapable de revenir, la négociation d’une sage rupture conventionnelle facilitera sans doute son départ, qui arrangera tout le monde… et évitera d’avoir à tirer des enseignements de ce qui s’est passé.
Sauf pour la victime, à qui il reviendra de comprendre, de se reconstruire, et d’apprendre à vivre avec une cicatrice qui ne la quittera plus.
Elle y aura tout de même gagné d’être désormais en capacité de repérer et d’échapper à ces situations de travail perverses, à l’origine de ces épuisements professionnels.
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